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traitements

Question
Dans quelles situations pouvons nous utiliser des anti-inflammatoires (stéroïdiens et non stéroïdiens) pour traiter la mucoviscidose?
Réponse
Bonjour,
Tout d’abord je tiens à m’excuser de répondre si tard, j’étais absente et j’ai eu votre question la veille de mon départ.
Votre question est très pertinente.
Dans la mucoviscidose, il y a un cercle vicieux inflammation-infection, évidemment notamment au niveau de l’arbre bronchique et aussi au niveau du tissu pulmonaire. Les anomalies hydro-éléctrolytiques causées par la dysfonction de la protéine CFTR entraînent une viscosité anormale des sécrétions respiratoires. A l’heure actuelle, on sait que - déjà chez le nouveau-né - il existe un état inflammatoire anormal. Par ailleurs, on pense que les défenses anti-bactériennes au niveau des sécrétions respiratoires sont altérées. Il s’en suit une colonisation/infection bactérienne. Toutes les personnes atteintes de mucoviscidose présentent en général une colonisation de leur mucus respiratoire. L’hôte - donc la personne atteinte de mucoviscidose – essaye d’éliminer les bactéries, son système immunitaire s’active et il y a attraction de globules blancs (polyneutrophiles) au niveau de l’arbre bronchique. Ceux-ci tentent d’éliminer les bactéries en sécrétant de nombreuses substances toxiques pour les bactéries, mais malheureusement aussi pour le tissu bronchique et pulmonaire. La réponse inflammatoire est donc d’un côté bénéfique (élimination des bactéries), mais aussi de l’autre côté nocive (dommage de l’arbre bronchique et du tissu pulmonaire).

Il s’en suit que l’utilisation d’anti-inflammatoires pourrait être tout à fait justifiée.
Le protoype des anti-inflammatoires sont les anti-inflammatoires non- stéroïdiens tels l’ibuprofène qui est parfois utilisé chez l’enfant et notamment aux Etats-Unis. Notons cependant que même aux Etats –unis moins de 5% des patients en prennent. Ceci tient essentiellement au fait que comme pour beaucoup d’autres méthodes de traitement il n’y a pas d’études correctement conduites pour évaluer l’efficacité de ce traitement.

La Collaboration Cochrane, nommée en hommage à Archibald Cochrane, un épidémiologiste de renom britannique, publie des revues systématiques évaluant l’effet de certaines interventions en santé.

La dernière revue Cochrane qui concerne l’intérêt de l’administration d’anti-inflammatoires dans la mucoviscidose date de 2007 et répertorie 6 études correctement conduites. Toutefois, ces études incluaient moins de 300 personnes en tout et deux études incluaient vraisemblablement en partie les mêmes personnes. Les médicaments évalués étaient l’ibuprofen et le piroxicam. La conclusion de ces études était que l’administration d’ibuprofen peut diminuer le déclin annuel du VEMS dans le mucoviscidose, notamment chez l’enfant et/ou chez la personne qui présente une atteinte respiratoire peu évoluée. Les études ne rapportaient pas d’effets secondaires importants. Ceci étant, même aux Etats Unis cette approche n’a que peu de succès (moins de 5 % des personnes atteintes de mucoviscidose en prennent, voir plus haut) et en Europe ce n’est pas non plus un succès majeur. Ceci tient à mon avis a deux raisons ; d’une part le manque de preuves et d’autre part la crainte d’effets secondaires. Il faut administrer des hautes doses d’ibuprofen, les taux sanguins doivent idéalement être suivis et ce type de traitement peut entrainer ulcères gastriques et insuffisance rénale.

Il existe aussi d’autres catégories de médicaments qui ont des propriétés anti-inflammatoires : les inhibiteurs ou antagonistes des leukotriènes, les statines et d’autres catégories de molécules plus expérimentales. Il y a déjà eu des études qui ont été conduites dans la mucoviscidose mais qui jusqu’ici sont non concluantes.

La molécule dont l’effet anti-inflammatoire est le plus exploité à l’heure actuelle est l’azithromycine.

En ce qui concerne les corticoïdes, une revue Cochrane de 2011 identifie 3 études incluant ~ 350 participants: 2 études étaient conduites sur 4 ans et la dernière sur 12 semaines. La conclusion en est que l‘administration de 1-2 mg/kg de prednisolone 1 jour sur 2 peut diminuer la perte fonctionnelle respiratoire au long cours. En contrepartie l’administration de corticoïdes peut ralentir de manière très significative la croissance chez l’enfant et avoir de multiples autres effets secondaires néfastes. Une des études sur 4 années a d’ailleurs dû être interrompue à cause d’effets adverses. De manière intéressante, au suivi 10 ans après la fin d’une des études il a été remarqué que les enfants rattrapaient leur croissance à partir de 2 ans après l’arrêt de la cortisone. Le bénéfice de donner des corticoïdes au long cours doit donc toujours être pesé contre le risque d’avoir des effets secondaires importants.

En ce qui concerne l’administration à court terme il y a encore moins de données. Dans la pratique, une courte cure de corticothérapie est souvent prescrite en cas d’exacerbations pulmonaires sévères (notamment dans le cadre de bronchiolites virales tels le RSV, l’adénovirus, etc.) et/ou d’exacerbations qui – pour des raisons inconnues - ne répondent pas suffisamment au traitement conventionnel.

La corticothérapie par voie orale a évidemment toute sa place dans le traitement de l’asthme broncho-pulmonaire allergique (ABPA) mais cette entité dépasse le cadre de votre question.

Voilà, j’espère vous avoir aidé.
Amicalement
Christiane Knoop
20.02.2012
La réponse est proposée par: Pr Christiane Knoop