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Grossesse post-greffe bipulmonaire ()

Question
Bonjour,

Muco de 36 ans, greffée depuis 5 ans, nous envisageons une 2ème grossesse. Ma fille aura bientôt 15 ans, je n'étais donc pas greffée à l'époque. Le futur papa est le même que lors de ma première grossesse aussi je souhaiterais savoir s'il y a potentiellement moins de risque de rejet que s'il s'agissait d'un autre géniteur ou d'une première grossesse. En effet, dans la mesure où mon greffon semble particulièrement bien s'acclimater avec mon système HLA, qui a été lui-même forcément impacté par les anticorps développés lors de ma première grossesse , il me semble logique, mais je suis totalement ignorante en la matière, qu'il y ait statistiquement moins de risque qu'une 2ème grossesse issue du même géniteur initie moins de risque de rejet que lors d'une première grossesse ou de père différent mais peut-être que tout cela n'a rien à voir.
Ceci étant, même si je suis dans l'erreur, je voudrais comprendre clairement les liens ou non liens entre système HLA et ADN et connaitre donc, du moins d'un point de vue théorique, le rapport entre grossesse 1 et 2 et mon greffon...
Ma pneumo m'a simplement dit qu'une grossesse pouvait être considéré comme une demi-greffe et que le fait d'avoir eu un premier enfant du même géniteur ne changeait rien. Cela me parait trop abrupt pour être clair aussi j'aurais souhaité de plus amples explications.
Je sais que le risque de rejet post-grossesse est présent mais le risque de rejet est inhérent à la greffe, personne ne sait de quoi demain sera fait !
J'aurais aimé toutefois connaitre les statistiques concernant les grossesses post-greffe concernant une potentielle majoration de rejet.

J'espère avoir été suffisamment claire.

Merci d'avance pour vos réponses,

Cordialement.

Réponse
Chère Madame,

Votre question est bien intelligente. Malheureusement, la médecine n’est pas une science exacte et la réponse n’est pas évidente. De plus, pour y répondre sur un plan purement théorique, il faudrait plus de données. Il faudrait connaître votre typage HLA, celui de votre mari et celui du donneur. Alors, il y a deux cas de figure : 1. Le typage HLA de votre mari et le typage HLA de votre donneur sont vraiment tout à fait différents ; dans ce cas vous ne risquez pas de développer des anticorps anti-HLA contre votre greffon en cas de grossesse. 2. Il y a des antigènes HLA communs ou voisins entre votre mari et votre donneur. Là, vous courez un risque de développer des anticorps contre les antigènes du donneur, a fortiori si vous en avez déjà maintenant avant la grossesse. Quel est ce risque dans la vie réelle sous immunosuppression ? Je dois vous avouer que je n’en ai aucune idée. Par ailleurs, les antigènes tissulaires ne se limitent pas aux antigènes majeurs d’histocompatibilité ; il y a bien d’autres antigènes connus - et aussi inconnus - contre lesquels vous pourriez vous immuniser en cas de grossesse et ces anticorps, aussi, pourraient être délétères pour votre greffon. D’où la réponse de votre pneumologue ; il n’y a pas de réponse plus précise.

(Il n’y a pas lieu de penser qu’une 2e grossesse du même géniteur engendre moins de risque de rejet, toutefois, comme vous semblez impliquer ...)

En dehors de ce problème d’un éventuel développement d’anticorps anti-HLA, le ‘problème’ que pose la grossesse après greffe pulmonaire est bien plus vaste que ça. Premièrement, la grossesse altère en général l’’environnement immunologique’ global de la femme et aussi la composition corporelle de telle façon que – après greffe - les taux sanguins des immunosuppresseurs peuvent notablement changer et doivent être adaptés. Le premier point est incernable ; le deuxième est assez facilement maîtrisable, il suffit de faire des dosages sanguins réguliers et d’adapter la médication. Deuxièmement, la femme enceinte est plus difficilement investiguable et traitable que la femme non enceinte. Cela veut dire que - s’il y a un potentiel problème avec votre greffon en cours de grossesse – l’interprétation des épreuves fonctionnelles sera plus complexe, les investigations radiologiques seront plus difficiles, certains traitements ne peuvent être donnés, ce qui rend votre situation un peu plus délicate. Finalement, c’est surtout le bébé qui peut poser problème de par le fait qu’il va naturellement importer des infections respiratoires, notamment virales, au cours de ses premières années de vie. Les infections respiratoires virales sont souvent fort contagieuses et peuvent être délétères pour votre greffon. Vous en tant que mère vous allez devoir vous occuper de votre bébé malade, votre instinct vous le dictera. Et il faut bien avouer aussi que - dans la pratique - le bébé est souvent contagieux avant d’être ouvertement malade et qu’il est souvent difficile de trouver quelqu’un qui va s’occuper d’un enfant malade… Complexe !

En résumé : la grossesse/la maternité après transplantation pulmonaire est absolument possible et ça peut très bien se passer, mais il faut être consciente que vous prenez un risque ‘supplémentaire’ sur votre greffon et donc votre vie que personne ne peut chiffrer pour vous.

Alors, vous ne me l’avez pas demandé mais je vous donne un conseil plutôt philosophique quand-même. Il faut très bien réfléchir (et préparer) ce projet de 2e bébé et réfléchir à l’impact que tout cela aura sur les différents acteurs. D’abord, vous devriez clarifier pour vous-même pourquoi ce projet vous tient à cœur et quel risque pour votre santé vous êtes prêtes à prendre pour le réaliser. Aussi, qu’est-ce qui se passera pour vous, votre couple et votre enfant si vous ne le réalisez pas ? Ensuite, vous devriez clarifier avec votre mari comment lui va s’en sortir avec sa vie et les enfants si jamais ça ne se passe pas bien pour vous. Quel est l’avenir de l’enfant/des enfants ? Les équipes médicales – s’il n’y a pas de contre-indication majeure –ne vont sans doute pas trancher pour vous; nous pouvons conseiller ou déconseiller mais la décision finale appartient à la patiente (au couple).

Amicalement
Christiane Knoop
17.10.2016
La réponse est proposée par: Pr Christiane Knoop