Attention: bien que certaines informations puissent être encore d'actualité dans un an, d'autres renseignements pourraient n'être plus à jour dans 3 mois. Si vous avez le moindre doute, n'hésitez pas à nous interroger.

absence d'appétit et de soif

Question
Bonjour,

Pourriez-vous nous expliquer quels sont les différents mécanismes à l'origine du manque d'appétit chez un enfant atteint de mucoviscidose ? Est-ce toujours un signe d'encombrement ou existe-t-il aussi des origines digestives ?
Dans le même ordre d'idée, savez-vous expliquer pourquoi nos enfants refusent de boire lorsqu'il fait très chaud ?

Merci par avance de votre réponse.
Réponse
Bonjour,

Vous posez en fait deux questions : le mécanisme du manque d’appétit, d’une part, et l’explication du refus de boire, d’autre part.

L’accès à une alimentation en quantité et qualité adéquates et un bon appétit sont les conditions du bon équilibre nutritionnel de tout individu. Chez les patients atteints de mucoviscidose, cela ne va cependant pas toujours de soi pour plusieurs raisons :

L’appétit doit permettre une alimentation des patients plus riche en graisse et en énergie (environ 20 à 30% de plus que les apports alimentaires recommandés pour l’âge et le sexe). Cet apport alimentaire supplémentaire doit en effet compenser des dépenses ou pertes d’énergie plus élevées : les causes en sont le dysfonctionnement cellulaire de base, une digestion incomplète parfois insuffisamment compensée par la prise d’enzymes pancréatiques et l’inflammation chronique qui peut être fortement accentuée lors des infections respiratoires.
Le bon état nutritionnel est donc, en situation favorable, très dépendant d’un appétit plutôt augmenté. Cet état se trouve rapidement menacé lorsque l’appétit vient à diminuer et que les pertes deviennent plus importantes que les apports nécessaires pour couvrir les besoins.

L’appétit est un marqueur de la bonne santé autant physique que psychologique et sociale. Les causes qui peuvent le diminuer sont donc nombreuses.
Tout d’abord, les personnes atteintes de mucoviscidose peuvent avoir, comme tout un chacun, une diminution de l’appétit liée à des fluctuations de l’humeur, des soucis scolaires, professionnels ou affectifs. Ces diminutions de l’appétit ne portent pas à conséquence si elles sont transitoires et suivies de phases de « rattrapage ». Deux situations psychologiques liées à la maladie et pouvant retentir sur l’appétit sont cependant importantes à souligner car elles peuvent s’installer de manière insidieuse : d’une part, la dépression réactionnelle à la maladie dont le diagnostic n’est pas toujours évident, d’autre part, le blocage voire l’anorexie réactionnelle à la pression de l’entourage visant, avec bonne intention, à stimuler ou à « forcer » l’appétit. Les repas, a priori moments de détente conviviale, peuvent alors se transformer en moments pénibles de tension voire de conflit familial préjudiciables au bien-être et à la santé tant du patient que de son entourage. L’appui de l’équipe pluridisciplinaire et une intervention psychologique peuvent alors s’avérer particulièrement utiles voire nécessaires pour sortir de cette impasse.

La diminution de l’appétit, lorsqu’elle est liée à la maladie, n’est pas toujours secondaire ou uniquement secondaire à l’encombrement ou l’infection respiratoire. Les causes digestives doivent être recherchées attentivement car elles peuvent bénéficier d’un traitement approprié incluant souvent une adaptation des doses d’enzymes pancréatiques et des apports d’eau et de sel : douleurs abdominales, constipation, encombrement intestinal peuvent être, avec la diminution de l’appétit, les symptômes révélateurs de complications relativement fréquentes dans la mucoviscidose : fécalome (amas de selles dures) que l’on peut percevoir à la palpation de l’abdomen ; syndrome d’obstruction intestinale distale (SOID) : cette complication relève dans la quasi totalité des cas d’un traitement médical et ne doit donc pas être confondue avec une cause d’occlusion relevant d’un traitement chirurgical. D’autres pathologies digestives ne sont pas spécifiques de la maladie mais y sont un peu plus fréquentes que dans la population générale : intolérance au gluten (également appelée maladie coeliaque), maladie de Crohn, occlusion par invagination intestinale.

Les enfants (comme les adultes) atteints de mucoviscidose peuvent en effet refuser de boire alors qu’il fait chaud. Cette absence de soif, apparemment paradoxale dans cette situation, doit alerter car elle peut être le premier signe d’une complication classique de la maladie : la déshydratation due à une perte importante de sel et d’eau par l’effet cumulé d’une forte sudation et d’une concentration élevée de sel dans la sueur. La diminution de la concentration sanguine en sodium (un des composant du sel : chlorure de sodium = NaCl) a en effet pour conséquences, d’une part, une diminution de la stimulation des récepteurs de la soif, d’autre part, un mouvement d’eau du secteur sanguin vers le secteur cellulaire. Cet « œdème » cellulaire, qui touche également les cellules du cerveau, est responsable d’un dégoût de l’eau ou de nausées, voire de vomissements ce qui aggrave encore la perte en sel et la déshydratation selon un cercle vicieux.
Dans cette situation, le dégoût de l’eau a donc un effet protecteur : en effet, l’apport d’eau sans apport supplémentaire de sel, non seulement ne permettrait pas de prévenir ou corriger la déshydratation, mais au contraire pourrait l’aggraver en provoquant des vomissements.
En cas de refus de boire, le principe est de privilégier l’apport de sel sous forme la plus facilement absorbable : gélule de sel, ampoule de soluté salé, soluté de réhydratation orale, jus de tomate, eau gazeuse fortement salée (notamment Vichy St-Yorre, Vichy Célestin) ou biscuits salés.
En cas de vomissements, de nausées, de diarrhée, de perte de poids, de fatigue intense, d’apathie, de crampes, de maux de tête ou de fièvre, il est recommandé de consulter rapidement votre médecin traitant ou le service d’urgence et de contacter le médecin du CRCM. Si ces signes apparaissent malgré les compensations en eau et en sel adaptées, il faut consulter à l’hôpital en urgence en prévenant le médecin référent du CRCM.

Afin de compléter ou préciser ma réponse :
- N’hésitez pas à interroger l’équipe de votre CRCM pour savoir si vous pouvez bénéficier de séances d’éducation thérapeutique sur ces thèmes ;
- Vous pouvez consulter la note « Recommandations concernant l’alimentation et l’hydratation en cas de forte chaleur pour les personnes atteintes de mucoviscidose » sur le lien suivant :
www.vaincrelamuco.org/e_upload/pdf/mesures_protection_forte_chaleur_familles_2008.pdf ;
- La Carte d’urgence maladie rare établie pour votre enfant, avec le dernier compte rendu de visite et le traitement en cours, permettent de transmettre facilement les informations essentielles à tout personnel de santé extérieur à votre CRCM que vous pourriez être conduit à consulter.

Espérant avoir répondu à vos questions.
Dr Gilles RAULT
29.03.2012
La réponse est proposée par: Dr Gilles Rault