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Diabète et décompensation

Question
Bonjour, l'apparition d'un diabète à l'âge adulte nécessitant la prise d'ADO est-elle forcément synonyme d'aggravation de la maladie (notamment au niveau pulmonaire-VEMS) même s'il est stabilisé ?
Merci.
Réponse
Bonjour à vous,
Merci pour votre question qui est une très bonne question.
Le diabète associé à la mucoviscidose : cystic fibrosis-related diabetes (CFRD), je vais utiliser cette abréviation dans la suite, c’est plus facile/correct, est dû – comme vous le savez - à l’atteinte du pancréas.
Le pancréas est une glande qui est composée de deux parties : une partie exocrine qui est responsable de la sécrétion des enzymes digestifs et une partie endocrine, les îlots de Langerhans, qui contiennent des cellules qui sécrètent l’insuline. Ces îlots, comme leur nom l’indique, sont distribués dans la glande par-ci par-là (comme des oasis dans un désert). La destruction de la glande suite à la mucoviscidose, est due à l’involution graisseuse et la fibrose qui englobent au fur et à mesure ces îlots qui peuvent alors disparaître. A un moment donné il peut y avoir trop peu d’îlots de Langerhans pour assurer la sécrétion nécessaire d’insuline, c’est alors que l’intolérance au glucose et puis le diabète franc s’installent.
Le manque d’une sécrétion ADEQUATE d’insuline posera problème pour plusieurs raisons. Premièrement, il va y avoir un déséquilibre dans le métabolisme du sucre. Il y aura trop de sucre dans le corps à certains moments ce qui a des effets néfastes, par exemple, sur les globules blancs neutrophiles qui nous défendent contre les infections et qui peuvent alors ne plus fonctionner convenablement. Il y aura aussi une fuite de sucre dans les urines ce qui entrainera une perte de calories et une perte de poids. Deuxièmement, l’insuline a d’autres fonctions dans notre organisme. Elle est - entre autres - aussi une hormone nécessaire au développement et au maintien de la masse musculaire. Par conséquence, si l’organisme n’a plus assez d’insuline à sa disposition, il peut s’en suivre une fonte musculaire.
Après, les choses se compliquent encore parce que le CFRD n’est PAS un état STABLE. En cas d’infection nous pouvons développer un certain degré de résistance à l’insuline ce qui veut dire que l’insuline sécrétée n’a pas son impact habituel sur le métabolisme et donc dans cette situation nous avons besoin de produire encore plus d’insuline que normalement pour assurer toutes les fonctions qui doivent être assurées. Nous connaissons tous des patients atteints de mucoviscidose qui deviennent diabétiques avec besoin d’insuline lors d’une importante infection ou au décours de la transplantation et qui – une fois rétablis ou stabilisés - peuvent à nouveau se passer d’insuline.
Donc deux choses à retenir : 1) le CFRD est un état de manque d’insuline et 2) c’est un état qui peut se compliquer en cas d’évènement intercurrent d’un état d’insulino-résistance ce qui veut dire que le manque d’insuline se fait encore plus ressentir.
Pour revenir à votre question …
Comme vous le savez sans doute un déclin inexpliqué de la fonction respiratoire chez une personne atteinte de mucoviscidose doit faire chercher un CFRD. Donc si un CFRD existe et qu’il n’est pas diagnostiqué les patients peuvent se détériorer. Il est aussi connu que les patients qui ont un CFRD ont souvent une évolution longitudinale moins bonne. Le CFRD est aussi un facteur de risque de présenter des exacerbations pulmonaires qui répondent plus difficilement au traitement et qui rechutent plus rapidement.
Maintenant, dans la pratique, ‘CFRD’ ça peut vouloir dire beaucoup de choses. Je m’explique : A partir des données publiées il est impossible de dire si les personnes atteintes de CFRD qui évoluent moins bien ou mal ont été diagnostiquées à temps et/ou se sont traitées convenablement. Dans mon expérience l’équilibration correcte du CFRD pose souvent de gros problèmes. Les patients peuvent avoir des difficultés à s’équilibrer correctement soit parce qu’ils ont des problèmes médicaux supplémentaires qui rendent l’équilibration d’un diabète malaisé (gastroparésie = estomac qui se vide moins bien avec absorption erratique des aliments, infections et/ou hospitalisation récurrentes, besoin intermittent de cortisone) soit parce que le CFRD est ‘la goutte qui fait déborder le vase’ (comme on dit) et que son traitement est négligé.
Dans la littérature médicale vous allez donc trouver très peu d’informations sur la question ‘est-ce qu’un CFRD pris en charge précocement et correctement équilibré va néanmoins avoir un impact négatif sur l’évolution de la fonction pulmonaire ?’.
A l’heure actuelle le consensus est que le meilleur traitement du CFRD est l’insuline et que le contrôle métabolique du CFRD est sans doute un point très important. En effet, il y a des cas rapportés dans la littérature qui indiquent que la fonction pulmonaire peut récupérer après contrôle adéquat du diabète. Il y a même un cas rapporté où un patient a eu une dégradation respiratoire perdu de la fonction, a dû être mis en liste d’attente pour une greffe et a pu être retiré de la liste d’attente une fois que le contrôle du diabète était assuré. Une étude récente a aussi montré le bénéfice d’une insulinothérapie précoce. Vingt-huit patients (âge médian 15 ans) qui avaient une glycémie à jeun normale, mais un hyperglycémie provoquée perturbée, ont reçu des petites doses d’insuline. Au bout de 3 années de suivi la fonction respiratoire était restée stable dans ce groupe alors qu’elle s’était détériorée dans un groupe similaire qui n’avait pas reçu de traitement ; de plus les paramètres nutritionnels s’étaient améliorés dans le groupe traité. Insistons sur le fait que ce genre d’étude doit être confirmée sur une plus large échelle et aussi sur le fait qu’aujourd’hui nous ne savons pas si c’est l’hémoglobine glycquée qui est le meilleur marqueur du contrôle du CFRD et quelle en est la valeur cible pour une évolution optimale (comme dans le diabète en général ? ou potentiellement plus strict ?).
Pour ce qui est des médicaments anti-diabétiques oraux (ADO comme vous dites) il y en a de plusieurs types. Il faudrait donc voir avec votre médecin lequel vous prenez. Les sulfonamides hypoglycémiants et les glinides augmentent la sécrétion d’insuline. Leur mécanisme d’action est de stimuler les cellules de Langerhans à sécréter plus d’insuline. Dans le CRFD ce traitement peut fonctionner, mais peut aussi avoir des limites puisque quand il n’y a plus assez de cellules de Langerhans ou que celles-ci sont épuisées on ne peut plus les stimuler. Les biguanides réduisent la production de glucose par le foie et l’absorption de glucose par l’intestin, ils diminuent aussi l’insulino-résistance (mais ce n’est pas le mécanisme principal du CFRD) ; leur intérêt dans la mucoviscidose est donc plutôt limité. Il y en a encore d’autres types, mais qui ne conviennent – à priori - pas au traitement du CFRD.
Dans votre cas il faudrait donc vérifier ce que vous prenez exactement et en discuter avec votre médecin pour en connaître le mécanisme d’action. Ensuite, il s’agira de faire attention de ne pas dépasser la limite et tenter de détecter précocement le moment où vous commencerez à manquer d’insuline, mais cela votre médecin s’en occupera. Aussi, votre situation peut se déséquilibrer si vous avez une infection aigue (toujours y penser) et vous pourrez avoir transitoirement besoin d’insuline.
Quant à votre question ‘ … est-ce forcément synonyme d'aggravation de la maladie’ comme vous voyez je ne peux pas vous répondre avec certitude et sur la base d’évidence dans la littérature, mais mon avis personnel est que la réponse est ‘NON’. Assurez-vous toutefois d’avoir un bon suivi de votre diabète et de passer à l’insuline dès que votre médecin vous le suggèrera !
Amicalement
Christiane Knoop




07.05.2012
La réponse est proposée par: Pr Christiane Knoop