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chiffrage risque mucoviscidose: père porteur, mère non porteuse (??)

Question
Bonjour,

Je vous contacte car je suis enceinte de maintenant 3 mois et j'ai des inquiétudes au sujet de mon bébé et d'une éventuelle maladie.
Il se trouve que nous n'avons appris que récemment que la nièce de mon mari (fille de sa soeur) était atteinte de mucoviscidose.
Nous nous sommes renseignés sur la maladie et sur son mode de transmission et avons passé des tests sanguins avec une généticienne.
Elle nous a posé des questions sur nos origines et nos antécédents familiaux : Mon mari a une famille Normande et sa nièce est la seule personne malade de la mucoviscidose dans sa famille. Je suis d'origine Vendéenne et je n'ai aucun cas de mucoviscidose dans ma famille.
Nous avons également appris que la nièce de mon mari était porteuse de deux mutations rares (Y1092X et S945L).
Les tests sanguins ont révélé que ni mon mari ni moi n'étions porteurs d'une mutation commune faisant partie du "kit" de 32 mutations testées.
Jusqu'à aujourd'hui nous attendions le résultat pour la mutation familiale rare chez mon mari.
Nous en avions parlé et avions cru comprendre que le diagnostic anté-natal ne nous apprendrait pas si notre enfant était malade ou pas, mais s'il était porteur de la mutation de son père ou non. Avions nous bien compris?

Aujourd'hui nous avons appris que mon mari est porteur de la mutation familiale rare (je ne sais plus de laquelle il s'agit). Nous sommes sous le choc. Mais d'après ce que nous avons compris, les risques d'avoir un enfant malade restent encore minces...
Malgré moi j'ai besoin de chiffrer ce risque.
Le dialogue est difficile avec la généticienne qui s'occupe de notre dossier. J'ai besoin de réponses claires, pas de pincettes, mais j'ai aussi besoin de bienveillance et d'un minimum d'empathie. En sa présence je ne le ressens pas et c'est pourquoi je pose ici mes questions.
Pouvez-vous m'aider à chiffrer ce risque que mon enfant soit effectivement malade ? Et du coup quel est le risque que je soit porteuse d'une mutation rare ? (si j'ai bien compris j'ai plus de risques en étant vendéenne, qu'une personne lambda ou venant de l'est?)

Je voulais également savoir comment cela se passait à la naissance pour diagnostiquer cette maladie. J'ai fait quelques recherches et lu qu'il y avait un test de la sueur. Mais je n'en sais pas beaucoup plus et j'aurais vraiment aimé savoir si ces tests sont faits le jour même de la naissance ou s'il faut attendre quelques jours? Et dans quels laps de temps les résultats sont donnés...?

Le diagnostic anté-natal n'était plus du tout à l'ordre du jour (ne nous donnant pas de réponse sûre quant à la maladie), mais aujourd'hui, avec le choc de l'annonce, je remets cette décision en question. Et si l'écho du 5e mois montrait des signes alarmants? Ne serait-ce pas judicieux d'avoir également fait le diagnostic pour avoir des réponses le plus précises possible?

Voilà où j'en suis de mon questionnement. Je vous remercie d'avance de m'avoir lue et pour toute l'aide que vous pourrez m'apporter.

E.
Réponse
Bonjour,
Vous posez la question du calcul de risque pour votre couple de donner naissance à un enfant atteint de mucoviscidose.
La mucoviscidose étant une maladie récessive, les couples à risque de transmettre la mucoviscidose sont ceux dont les 2 membres sont porteurs d’une des mutations du gène en cause, le gène CFTR (il existe près de 2000 mutations actuellement connues de ce gène). Comme cela peut être illustré sur un arbre généalogique, à chaque grossesse, ces couples ont un risque statistique :
• de 1 sur 4, de transmettre les 2 mutations (celle de la mère et celle du père) et donc de donner naissance à un enfant atteint de mucoviscidose ;
• de 1 sur 4, de donner naissance à un enfant ni atteint de la maladie ni porteur d’une mutation du gène CFTR ;
• de 1 sur 2, de donner naissance à un enfant porteur d’une mutation du gène CFTR (1 sur 4 du père et 1 sur 4 de la mère), enfant donc non malade mais porteur d’une mutation qu’il pourra éventuellement transmettre à sa descendance.
Pour les couples qui n’ont pas d’antécédent familial connu de mucoviscidose, le risque peut être déduit de la prévalence (fréquence) des personnes porteuses d’une mutation du gène CFTR. Cette prévalence peut être elle-même déduite de celle de la mucoviscidose à la naissance. Celle-ci est connue depuis la généralisation du dépistage néonatal systématique de la maladie : actuellement, elle est proche de 1 pour 4624 naissances, Les couples à risque de transmettre la maladie étant de 1 sur 4 à chaque grossesse, leur nombre déduit est de 1156 (4624/4) et la fréquence déduite de ce nombre de porteurs d’une mutation CFTR est de : 1/34 (1/racine carrée de 1156).
Dans le cas où l’un des membres d’un couple a un antécédent familial de mucoviscidose, le risque pour ce couple de transmettre la maladie augmente et dépend du degré de parenté avec la personne malade. Dans votre cas, l’antécédent familial est celui de la nièce de votre mari. Une des mutations de cette nièce a donc été transmise à sa mère (la sœur de votre mari) par l’un de ses parents (les grands-parents de la nièce). La probabilité que ce grand-parent maternel ait transmis cette mutation à votre mari est donc de 1 sur 2. Il était donc important de rechercher la présence d’une de ces deux mutations chez votre mari. Le test génétique sanguin a permis de conclure qu’il n’est porteur d’aucune des 32 mutations les plus fréquentes mais est porteur d’une des 2 mutations rares retrouvées chez sa nièce. La probabilité qu’il l’ait transmise à votre enfant est effectivement de ½.
Vous avez effectivement bien compris ce que vous a dit la généticienne qui a appliqué les recommandations de la Société Française de Génétique : elles sont, pour le conjoint d’un porteur d’une seule mutation du gène CFTR, de rechercher les 32 principales mutations de la population française (sauf origine géographique particulière évoquant la fréquence d’une mutation hors kit ce qui n’est pas votre cas). Ce kit ne permet de détecter que 85% des porteurs d’une mutation du gène CFTR (et en méconnait donc 15%). Cette recherche ayant été négative chez vous, la probabilité que vous soyez porteuse d’une autre mutation CFTR passe de 1/34 à 1/34*15/100 soit 1/227.
Suite aux tests effectués, le risque que votre enfant soit atteint de mucoviscidose est donc de ½*1/34*15/100*1/2 = 1/890 qui est le produit i) du risque de transmission de la mutation de votre conjoint (1/2) ii) du risque que vous soyez porteuse d’une mutation hors kit (1/34*15/100) iii) du risque de transmission de cette mutation (1/2). Ce risque non nul mais faible ne justifie pas le risque de fausse couche provoquée par l’amniocentèse pour diagnostic prénatal (il est estimé entre 0,5 à 1%).
Il convient cependant de préciser que les techniques de détection de mutations ont grandement progressé depuis que les recommandations concernant la mucoviscidose ont été publiées. La technique de séquençage de nouvelle génération dite NGS permet de détecter 98% des porteurs au lieu des 85% du kit des 32 principales mutations. Cette technique est maîtrisée par un certain nombre de laboratoires de génétique moléculaire en France dont les 3 centres de référence du réseau GenMucoFrance (Paris Cochin, Montpellier et Brest). Négatif, le résultat de cette technique laisserait persister un risque de1/34*2/100 soit 1/1700. Positif, l’identification des 2 mutations permettrait d’effectuer un diagnostic prénatal qui, s’il était positif, poserait la question d’une éventuelle interruption de grossesse.
Pour répondre à votre dernière question, le test de la sueur peut être réalisé quelques semaines après la naissance lorsque le bébé pèse plus de 3 Kg.
En espérant que ces précisions vous aideront et permettront de modérer votre inquiétude.
Avec tous mes vœux de bonne année et de vie longue et heureuse pour l’enfant que vous portez.
Bien cordialement.
Gilles RAULT, CRCM de Roscoff
21.01.2015
La réponse est proposée par: Dr Gilles Rault